Le phénomène n’est pas nouveau, mais il prend aujourd’hui une ampleur inédite : le joueur moderne passe davantage de temps à regarder les autres jouer qu’à jouer lui-même. Entre l’essor des Let’s Play sur YouTube et la popularité croissante de Twitch, la tendance s’affirme : la consommation passive de contenu vidéoludique est désormais une part intégrante de l’expérience gaming.
Des chiffres qui confirment la tendance
Une étude récente de MIDiA Research, menée au cours de la seconde moitié de 2024, met en lumière cette évolution. Basée sur un échantillon de joueurs issus de neuf pays (USA, Royaume-Uni, Allemagne, France, Australie, Canada, Suède, Corée du Sud et Brésil), l’enquête révèle que le joueur moyen consacre 16 heures par semaine au jeu vidéo, toutes formes confondues.
Cependant, la répartition est éloquente :
- 7,4 heures sont dédiées à jouer activement.
- 8,5 heures sont consacrées à une consommation passive, comme regarder des streamers sur Twitch, des Let’s Play sur YouTube, ou des clips sur TikTok.
Cette inversion illustre un changement profond dans les habitudes de consommation des joueurs : être spectateur devient aussi important, sinon plus, qu’être joueur.
Un potentiel inexploité pour l’industrie ?
Face à ce constat, une question s’impose : pourquoi l’industrie du jeu vidéo ne capitalise-t-elle pas davantage sur cette consommation passive ?
L’étude suggère que les éditeurs pourraient développer leurs propres plateformes de streaming intégrées à leurs jeux, permettant de suivre des parties en direct ou de visionner des replays, avec des options de monétisation. Mais dans un marché dominé par des géants comme YouTube et Twitch, cette opportunité semble difficilement exploitable.
Le constat est clair : le terrain est déjà bien occupé. Les plateformes actuelles, solidement ancrées, laissent peu de place à de nouveaux acteurs, même si ces derniers venaient directement de l’industrie du jeu vidéo. En d’autres termes, l’idée d’intégrer des fonctionnalités de visionnage dans les écosystèmes des éditeurs reste séduisante, mais son potentiel semble désormais hors de portée.
Un joueur passif, mais engagé ?
Si cette tendance change le rapport au jeu vidéo, elle n’en réduit pas l’importance pour autant. La consommation passive permet à de nombreux spectateurs de s’immerger dans des univers vidéoludiques sans posséder le jeu ou sans y jouer activement. Cela renforce l’engagement des communautés et élargit l’audience des franchises.
Cependant, cette évolution soulève également une réalité plus amusante : un joueur sur deux pourrait débattre passionnément d’un jeu qu’il n’a jamais touché, mais qu’il a longuement observé.
Vers une nouvelle ère du gaming
Le joueur de 2024 n’est pas seulement un acteur, mais un spectateur, un critique et un consommateur de contenu vidéo. Cette transformation redéfinit le rôle de l’industrie, qui doit composer avec cette dualité entre jeu actif et visionnage passif. Si le potentiel d’exploitation commerciale semble aujourd’hui limité pour les éditeurs, cette tendance confirme une chose : l’expérience vidéoludique ne se limite plus à tenir une manette. Elle se vit désormais, autant devant l’écran que derrière.