Imposer une vidéo YouTube sur le site des impôts : le choix discutable de Bercy

Le site des impôts affiche depuis quelques jours une vidéo dont la lecture est obligatoire pour expliquer le prélèvement à la source. Le ministère a choisi d’héberger le clip sur YouTube. Une décision qui pose question.

L’intention était sans doute louable. Depuis quelques jours, le site impots.gouv.fr a ouvert ses portes, afin de permettre à chacun de déclarer ses impôts en ligne. Mais avant cela, les contribuables sont invités – plutôt forcés – à regarder une vidéo d’explication sur le prélèvement à la source. Problème: Bercy a choisi d’héberger cette dernière sur YouTube.

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement a recours à la plateforme de vidéos de Google pour héberger des contenus sur ses différents sites officiels. Néanmoins, ce choix pose question. Le visionnage de la vidéo est obligatoire pour accéder au site des impôts. Or, lorsqu’on la regarde, YouTube dépose automatiquement des «cookies», ces logiciels qui observent les comportements en ligne, chez les internautes. Dans le cas de Google, il s’agit de programmes comme ceux de sa régie publicitaire DoubleClick ou Google Adwords.

Impossible d’échapper à ces cookies, puisque la vidéo doit être obligatoirement regardée pour accéder normalement au site. Ces programmes peuvent être utilisés pour faire de la mesure d’audience: combien de personnes ont visualisé cette vidéo? Pour combien de temps? Plus en détails, le cookie DoubleClick récolte par exemple l’adresse IP, le type de navigateur, la date et l’heure de la consultation de la page. Si une personne regarde le clip en étant connecté à son compte Google, le moteur de recherche peut par ailleurs associer ces informations à un profil publicitaire, déjà bien garni de données récoltées un peu partout en ligne.

Comme l’explique le site NextInpact, la Direction Générales des Finances Publiques (DGFiP) aurait pu utiliser le mode «Confidentialité avancée» de YouTube. En effet, ce dernier n’enregistre aucune information personnelle tant que la vidéo n’est pas lancée. La DGFiP n’a pas activé cette option. Son utilisation aurait eu de toutes façons peu d’impact, puisque la lecture de la vidéo est obligatoire. Bercy aurait également pu favoriser un acteur français, comme Dailymotion ou le site alternatif PeerTube qui ne récolte pas de données.

Bercy répond aux critiques

Devant les nombreuses critiques, l’administration a répondu dans un premier temps sur Twitter. Selon elle, l’importance de la réforme justifiait ce choix et la vidéo pointée du doigt est temporaire.

Dans un communiqué publié en fin d’après-midi, la DGFiP a ensuite expliqué avoir choisi YouTube pour son caractère «populaire». «Les sites gouvernementaux (dont impots.gouv fait partie) utilisent les cookies à des fins de mesures d’audience uniquement», a écrit Bercy. «L’utilisation de ces cookies n’implique strictement aucune transmission d’informations fiscales personnelles». La décision du ministère reste néanmoins étonnante, en plein scandale Cambridge Analytica, et à quelques semaines de la mise en application du RGPD, le règlement européen de protection des données. Ce dernier doit justement renforcer la notion de consentement de l’internaute dans l’exploitation de ses données en ligne.

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